Les Potes à moÂ

Au plus profond du territoire Troll, une tente en peau de Gowap,
dressée à l’abri de deux petites collines, est battue par les vents
chargés de poussière. A l’intérieur, perché sur un tabouret de fer dont
la forme s’est depuis longtemps adaptée aux courbes les plus
inconvenantes de son anatomie, le chef de guerre Régis de la tribu des Potes à moÂ
rumine sur la gloire passée de son peuple. Dans un bruissement sec, la
couverture qui recouvre l’entrée de la tente se soulève et laisse
apparaître un shaman Tomawak, le fidèle bras droit de Régis.

« Tu vois pas ke j’réfléchis, Moitir ? Kes’tu veux ? » lui
lance Régis en fouillant avec la griffe de son index entre ses crocs
pourris, visiblement à la recherche de quelque chose.

« Ben voilà, chef , » lui répond le shaman en grimacant un sourire, «
j’ai bien réfléchi, et j’crois k’j’ai trouvé un plan d’enfer. »

« Ben voyons, » soupire le chef de guerre avec un manque flagrant d’enthousiasme.

« Ouais, j’sais, mais cet’fois c’est la bonne ! J’l’ai vu dans les os,
et tu sais k’les os y mentent jamais ! » Il esquisse un signe
cabalistique de ses doigts comme pour conjurer le mauvais sort. Le
vieux shaman ne connaît que trop bien les dons capricieux que peuvent
accorder les os des morts.

« Si c’est les os ki t’l’ont dit, alors continue… » dit Régis avec un
renouveau d’intérêt. Il y avait quelque chose d’étrange avec ces os, et
aucun chef Troll ne pouvait se permettre d’ignorer leurs prédictions,
aussi saugrenues et incompréhensibles fussent-elles.

« Pas de problèm’chef. Souviens toi y’ très très longtemps. Tu sais,
kan y’a ce chef zom avec son armure brillante k’est venu avec ses
canons et tout l’reste, et k’il a pulvérisé tout tes Trolls et
Trollinets, et k’il a éclaté… »

« C’est koi ton plan ?! » rugit Régis en le saisissant par sa robe
crasseuse et en le secouant comme un prunier, si fort que des cafards
de toutes tailles tombèrent des replis, des oripeaux et courèrent se
réfugier dans les recoins sombres de la tente.

« Ok, ok, chef ! Me tape pas, chef ! J’voulais just’ te dire k’ils ont
jamais trouvé le truc k’y avait de caché là bas. Ca doit encore y être
! »

« Kel truc ? » marmonne le Troll en posant le shaman sans ménagement.

« Ben, la couronne du Destin ! La célèb’ couronne k’a été enterrée sous l’idole d’la tribu y’a des temps imo…imémèr…imomé…y’a plein de temps quoi ! »

« Tu t’fous d’moi, sac à bière d’champignons ! T’as pas intérêt à me m’ner en bateau ou j’fais des osselets avec tes doigts ! »

« Pourkoi je f’rais ça, chef ? » répondit Moitir en se fendant d’un
sourire large comme celui d’une succube, comme pour amadouer le
seigneur Troll avant qu’il n’ait une réaction qu’on pourrait qualifier
de violente.

« Nan, sérieux, la super couronne du destin, l’a été plankée sous
l’idole au fin fond du Hall, par un shaman au cas où la tribu en aurait
besoin. Si tu vas la chercher, tu pourras t’servir d’sa magie ki tue
contre les zoms et avoir de nouveau une tribu super balaize. »

Une petite ampoule s’allume finalement dans le vide caverneux du crane
de Régis. Il pousse Moitir comme pour s’accaparer le devant de la
scène, ignore le jappement de protestation qui en résulte et se frotte
le menton avec sa grosse main calleuse.

« Tu sais koi ? J’crois ke si j’vais chercher la couronne, j’pourrais
m’servie d’sa magie ki tue contre les zoms et avoir de nouveau une
tribu super balaize. »

Attrapant le shaman par la gorge, il le soulève à hauteur de ses yeux.

« Ouais, j’la veux ! Y m’la faut ! Et maintenant vas m’chercher ces bons à rien de Skarklash, Anancraaaa, Niet, Cyrille, Gregantua, Ghorghor Fouf et Iznogoud !
Vont m’la trouver cette couronne du destin, même s’ils doivent passer le restant de leurs pauv’jours à fouiller tout le Hall ! »